mardi 2 octobre 2012

Les mots se suivent #3

Bonsoir lecteur,

Ce soir, un texte sans prétention.
 
Machinalement, il remonta le col de son imper puis il souffla dans ses mains gelées. Elles avaient une odeur de terre humide mêlée à celle du sang. La pluie ruisselait sur son visage. Il ouvrit la bouche pour happer quelques gouttes espérant étancher sa soif et enlever ce goût horrible. Il aurait dû savoir que ça finirait comme ça, qu'il finirait par en arriver là. Et pourtant, on a beau savoir la fin d'un film triste, on espère toujours qu'il en sera autrement. C'est humain il paraît, c'est l'espoir. Il maudit l'espoir puis s'en alla.

Ce matin-là, il s'était réveillé, comme d'habitude sur son bureau, la tête lourde, la bouche pâteuse, les yeux hagard. Il s'était levé jusqu'à son miroir et au petit évier pour se rincer la tête. Ses muscles étaient douloureux, engourdis par la mauvaise nuit. Il n'avait pas l'air très frais. On avait toqué à la porte, il s'était. Il avait voulu lui dire de foutre le camp, mais il ne pouvait pas. Rapidement, il s'était essuyé le visage, était allé à son bureau, avait ouvert le premier tiroir et en avait sorti une bouteille de bourbon bien entamée qu'il avait posé sur la table, bien en vue. Avoir la tête dans le cul à cause de l'alcool était naturel, c'était cliché, mais moins honteux que les drogues dur auquel il s'adonnait trop souvent. Il avait pris le temps de remonter ses bretelles et s'était dirigé vers la porte. La silhouette avait disparu. Il avait quand même ouvert la porte, avait jeté un regard dans le couloir, avait pesté car son client était parti et l'avait refermé.

En se retournant, il avait buté contre quelque chose par terre. Une enveloppe. Il s'était penché pour la saisir, la tête lui tournait à cause des drogues qui n'avaient pas fini de faire leurs effets néfastes. Il s'était saisi de l'enveloppe tant bien que mal et était allé s'affaler sur sa chaise. L'enveloppe était de bonne taille, blanc cassé et épaisse. La seule inscription était son nom. Il avait entrepris de la décacheter. A l'intérieur se trouvait une liasse de billet et une photo. Curieux, il avait regarder la photo ; un jeune enfant, d'une dizaine d'année, un portrait comme celui qu'on met dans un album, stérile et artificiel. Machinalement, il avait regardé au dos et y avait trouvé une inscription faite à la mine de plomb : "Retrouvez-le et vous aurez l'autre moitié de l'argent". Il avait regardé la liasse de billet. Il y avait de quoi payer ses arriérés. Si quelqu'un lui proposait le double, ça devait être important. Il avait reposé l'enveloppe et son contenu, s'était adossé contre sa chaise et avait regardé au travers de la fenêtre. La pluie tombait sur la ville. Une pluie sombre et épaisse. "Sale journée" avait-il pensé puis s'était levé, avait pris son imper, la photo et les billets et était sorti.

Il s'était dirigé vers le café d'en face, avait commandé un café très noir puis avait demandé au patron s'il avait déjà vu le gosse de la photo. Evidement, il lui avait dit que non. La piste du gosse était froide, il aurait pu faire toute la ville qu'il n'aurait pas trouvé quelqu'un qui le connaisse. Pourquoi lui donner une affaire comme ça ? Et avec si peu d'indice ? Et pourquoi payer d'avance ? ça ne sentait pas bon.

Il était sorti du café et s'était mis à marcher sur le trottoir. La pluie continuait à tomber à grosses gouttes produisant de lourds "ploc ploc" dans les marres du trottoir défoncé. Les immeubles ruisselants faisaient résonner le bruit des voitures et du tram qui passaient dans la rue. Il avait l'impression que, dans sa tête, même le bruit de pas des passants devenait insupportable et lui martelait les tempes. Un enfant avait pleurer. Un passant avait hélé un taxi. Au carrefour, deux voitures avait manqué de se rentrer dedans et avait fait crisser leur pneu. Le reste de la circulation klaxonnait. Non, s'en était trop !

Les mains sur les oreilles, il s'était rapidement dirigé vers le parc. Il avait franchi les grilles et s'était enfoncé sur un petit sentier qu'il connaissait bien. Au bout de quelques minutes, il n'y eu plus que le bruit léger des gouttes sur les feuilles des arbres. Il avait pris le temps de respirer à fond une fois et était allé vers un banc. Il s'y asseyait deux fois par jour. Au bout de quelques instants de calme, il avait fouillé de sa main le dessous du banc. Il y avait un interstice entre les planches en bois du banc et le fer forgé qui le soutenait. C'était là qu'il récupérait sa drogue. Il venait le soir y déposer de l'argent et le matin, il passait récupérer sa précieuse poudre. Cela faisait déjà deux ans que ce petit jeu avec son dealer marchait. Il ne s'était vu qu'une seule fois, la première, pour mettre au point ce système.

Cependant, ce matin, au lieu d'y trouver sa dose, il avait découvert un petit bout de billet. "Tu me dois encore 4 doses ! Viens ce soir avec l'argent, je serai ici ou trouve-toi un autre vendeur". Furieux il avait froissé le billet. C'était vrai, il lui devait encore de l'argent. Il s'était rapidement calmé en pensant que l'argent qu'on lui avait confié ce matin suffirait amplement à le rembourser et qu'après, tout rentrerait dans l'ordre. En attendant, il ferait sans.

Il s'était relevé puis avait repris le chemin pour sortir du parc. Les bruits avaient semblé moins agressifs, peut-être était-ce dû à la fin des effets des drogues ? Tout en marchant, il avait sorti la photo de l'enfant et l'avait longuement regardé. Maintenant qu'il y voyait un peu plus clair, il lui semblait que cet enfant lui était familier, mais sa mémoire se dérobait encore. Il avait regardé sa montre et s'était dit que l'heure de manger approchait. Peut-être l'estomac plein, la mémoire lui reviendrait ?

Il était entré dans un restaurant de sa connaissance et avait commandé un plat du jour. Il en avait profité pour demander à la serveuse si elle connaissait l'enfant de la photo. Elle avait répondu que non, mais qu'il était plutôt mignon. Il avait mangé de bon appétit et avait même recommandé un deuxième service. Il s'était étonné de sa fringale puis avait remarqué qu'il tremblait légèrement des jambes. Il avait vite compris que c'était le manque qui se manifestait et ce n'était encore que les symptômes "sympa". Bientôt il allait avoir des nausées et se mettre à transpirer. Trop conscient de ça, il s'était levé et avait rapidement payé sa note puis, toujours sous une pluie battante, avait couru jusqu'à son bureau.

Il était entré et avait fermé la porte derrière lui, à clé. Il s'était jeté sur son bureau et avait désespérément cherché une petite dose de poudre, mais son dealer ne l'avait pas livré et il n'avait pas de réserve. Il avait essayé de se calmer, s'était dirigé vers la table où se trouvait la bouteille de bourbon. Il s'était devant elle et l'avait dévisagé. Il n'aimait pas l'alcool, mais il n'avait pas d'autres alternatives. Il avait saisi un verre, l'avait essuyé et s'était servi une grande lampée. Puis une deuxième et une troisième. En moins d'une heure, la bouteille avait été vidée. L'alcool lui tapait dans les tempes, mais la sensation de manque n'était pas partie. Il s'était lever pour aller rechercher une autre bouteille, mais il avait dù se rassoire rapidement pour ne pas tomber. Il avait pris une longue inspiration et s'était efforcé de se relever en prenant appuis sur les meubles. Il avait fini par arriver au buffet, l'avait ouvert et y avait cherché une autre bouteille. La plupart étaient vides et il avait fini, de rage, par les lancers dans la pièce. Titubant, les yeux remplis de larmes de frustration et de manque, il avait reculé. Une bouteille s'était trouvée sous ses pieds et il avait chuté. Sa tête avait cogné un meuble violement et puis ce fut le trou noir.

La première chose qui lui était revenu à l'esprit c'était la douleur. Une douleur infernale logée au fond de sa tête. Douloureusement, il avait touché son crâne et y avait senti une croûte dure. Il avait gratté un peu et avait regardé sa main. Elle était rouge. Du sang. Le choc avait été assez violent pour lui ouvrir une partie du crâne mais la plaie avait cicatrisé, non sans poissé son cuir chevelu. Difficilement, il avait essayé de se remettre sur pied. Sa tête l'avait lancé et il s'était précipité aux toilettes pour vomir. Il n'avait pas osé se regarder tout de suite dans le miroir et avait pris la peine de se rincer la bouche et le visage avant. Un peu dégriser, il avait fini par se regarder. Son visage livide était marqué par deux taches sombres autour des yeux. Ses lèvres tremblaient comme des feuilles d'automne sous le vent et ses cheveux étaient collés par le sang. Il s'était dit que ce visage n'était pas le sien puis s'était détourné.

Il avait avancé jusqu'au bureau, s'était assis sur sa chaise et avait regardé dehors. La nuit était tombée. Pris de panique, il s'était levé d'un bond et avait cherché son imper puis était sorti. Il avait descendu les marches quatre à quatre comme si le diable le suivait et avait couru jusqu'au parc. Un peu avant d'y entrer il avait pris la peine de se calmer et de vérifier que l'argent était toujours bien dans ses poches. Une fois qu'il était rassuré, il était entré. Le petit sentier était sombre et la pluie n'avait pas cessé. Un peu avant le banc, il avait remarqué qu'une forme humaine y était assise. La personne qui l'avait vu s'approcher s'était levé puis, d'un mouvement calme, avait sorti une arme de sa poche et avait parlé.

Il avait d'abord été surpris puis inquiet, mais en entendant ce que son dealer lui disait il avait vite compris. Soit il payait ses doses et un "petit" supplément pour les intérêts, soit il mourrait ici comme un junkee en manque. Il avait alors sorti la liasse de billet et l'avait lancé en direction du dealer. Celui-ci, lentement, l'avait prise et avait estimé que c'était un prix suffisant pour couvrir ses frais. Il avait fait mine de partir, mais il l'avait retenu en le suppliant de lui donner une dose. Le dealer avait pris son temps pour réfléchir. Dans sa tête embrumée par les vapeurs d'alcool et de manque, il aurait pu tuer pour sa dose. Il était près à sauter sur son dealer quand celui-ci lui lança une dose de poudre. Elle était tombée à ses pieds et il se rua dessus.

Il avait sorti de sa poche intérieur de son imper le matériel nécessaire et se l'était administré sans hésiter. La sensation de manque avait disparu immédiatement et il avait poussé un soupir de soulagement. Il s'était relevé, mouillé et crasseux et s'était dirigé vers le banc pour s'y asseoir quelques instants. Le dealer avait disparu. Machinalement, il avait mit la main sous le banc, mais il n'y avait rien.

C'est à ce moment qu'une voie lui avait demandé s'il avait retrouvé l'enfant. Il s'était levé d'un bond et avait tourné la tête dans tous les sens pour trouver d'où elle venait. Une silhouette se tenait non loin de lui, dans la pénombre. Il s'était relevé et avait dit que non, il manquait d'information, qu'il ne savait même pas qui était cet enfant et où le chercher. La silhouette avait poussé un cri, avait tendu les bras et quatre détonations s'était fait entendre.

Il ne comprenait pas. Il ne comprenait pas pourquoi il était par terre, le corps étendu sous la pluie froide de ce mois de novembre. Machinalement, il remonta le col de son imper puis il souffla dans ses mains gelées. Elles avaient une odeur de terre humide mêlée à celle du sang. La pluie ruisselait sur son visage. Il ouvrit la bouche pour happer quelques gouttes espérant étancher sa soif et enlever ce goût horrible, ce goût horrible de sang, le goût horrible de son sang. La déglutition lui fit un mal de chien. Il posa sa main sur sa poitrine et pu y sentir le ruissellement chaud qui s'en écoulait. Il sentit également des gouttes chaudes sur ces joues. Mais il ne pleurait pas. Non, c'était la silhouette qui, penchée sur lui, pleurait.

Mon fils ! dit-elle. Mon fils ! L'enfant sur la photo, c'est toi ! Tu ne t'es même pas reconnu ! Cela fait plus de dix ans que nous ne nous sommes vu pour la dernière fois. La drogue t'a torturé et t'a tué. Je ne pouvais pas te laisser continuer comme ça. J'espère que tu pourras me pardonner.

Les larmes coulèrent encore un long moment sur ses joues puis deux mains lui prirent la tête et la silhouette déposa un baiser sur son front. Elle se redressa et s'en alla, le laissant dans le noir.

Il aurait dû savoir que ça finirait comme ça, qu'il finirait par en arriver là. Et pourtant, on a beau savoir la fin d'un film triste, on espère toujours qu'il en sera autrement. C'est humain il paraît, c'est l'espoir. Il maudit l'espoir puis il mourut.

dimanche 1 avril 2012

Le bitume vous haït tous !

Bonsoir lecteur,

Ce soir, un petit sujet sur le fait que le sol est dur.

Oui, le sol est dur et quand on tombe, ça fait mal. Que ça soit à vélo, en amour ou dans la vie de tous les jours.
A chaque fois que vous êtes tombé, vous avez certainement entendu des gens vous dire que : "C'est pas grave, ça va passer", "ça ira mieux demain" ou encore "oublies ça". Ce genre de personne sont communément appelé des connards.

Alors oui, dans le fond, ça finira sans doute par passer. Ça finira sans doute par cicatriser et au bout du compte, dans 200 ans, plus personne ne pensera à vos petits bobos car vous ne serez plus là pour les rabâcher.

Mais quand vous venez de vous bouffer le bitume avec un bon élan, ce genre de chose c'est comme rajouter de l'huile sur le feu. Et ce genre d'attitude est contre-empathique. Es-ce que ce genre de phrase vous a aidé au moment où vous êtes tombé ? Es-ce que ces formules magiques ont soigné vos plaies comme par enchantement ? Es-ce que ça à fait moins mal quand on vous a dit ces phrases ? J'en doute. Et pourtant, combien parmi vous vont sortir ces mêmes absurdités au premier type par terre venu ?

La triste vérité est la suivante : à chaque fois qu'on tombe, on a mal. Et ça ne fait pas moins mal avec l'âge, l'expérience ou la maturité. Non, à chaque fois qu'on se mange le bitume, on souffre. Et on souffre seul car notre peine nous est propre. J'en viens même à croire que si quelqu'un souffrait pour nous, nous serions amené à lui en vouloir tellement la souffrance est quelque chose de profondément intime. Dans ce cas, je ne parle pas d'un ami compatissant ou d'une personne prête à aider pour aller mieux, je parle d'un véritable vol de souffrance, une personne qui dit "je souffre pour que tu arrêtes de souffrir", mais c'est un autre sujet.

Une fois par terre, on a pas toujours la force ou l'envie de se relever. C'est à ce moment que les gens arrivent avec des phrases comme "courage", "je te tiens les pouces", "ai la foi", etc. Une bonne partie des gens qui vous diront ça sont sans doute des personnes qui, dès le message envoyé, ne pensent même plus à votre problème. De plus, il s'agit là d'une forme de non-implication polie. On dit "courage !" au lieu de dire "Es-ce que je peux t'aider ?". On dit "tu peux le faire" au lieu de "Es-ce que je peux faire quelque chose pour toi ?". On dit ces choses pour se sentir compatissant et politiquement correct alors que, au fond, on s'en fiche... a moins que ça ne fasse une conversation autour d'un café. Et il ne faudrait pas réellement se secouer les puces pour aider l'autre. Non, on préfère envoyé des encouragement non-impliqué de loin.

Chose particulièrement intéressante quand quelqu'un tombe, beaucoup de gens pensent qu'il faut qu'il se relève directement. Je pense que c'est une bêtise. Comme dit plus haut, on a pas forcément le courage ou la force de se relever dans la seconde. Parfois être par terre nous permet de remettre les choses en ordre, d'avoir un nouveau point de vue ou simplement de regarder un peu le ciel. Il faut prendre le temps de se remettre du choc de la chute avant de pouvoir essayer de se remettre sur ses jambes et si c'est fait trop tôt, on risque d'avoir la tête qui tourne et de retomber.

Certaines personnes ont la capacité de rebondir immédiatement, mais rebondir, ce n'est pas se relever. Se relever demande souvent de prendre appuis sur ses mains, ses coudes ou ses genoux. Le corps au complet se met alors en mouvement pour se redresser et relever le dos, les épaules puis la tête. Se relever est une opération qui demande du temps et une dépense d'énergie importante, c'est pourquoi il ne faut pas vouloir à tout prix relever tous le monde dans la seconde.

Dans cette obsession de relever les gens tombé, beaucoup y voit leur propre chute et le fait qu'il ne se sont pas relever totalement. Ces gens ne supporte pas de voir ce reflet d'eux-même chez les autres alors ils se précipitent, mais à quatre pattes, comment voulez-vous aider quelqu'un à se remettre sur ses jambes ?

Par contre, il ne faut pas non plus s'éterniser par terre. Regarder le sol, c'est bien, mais si on ne relève pas la tête au bout d'un moment, si on ne regarde pas ailleurs et si l'on avance pas, on fini par rater tout ce qui est beau dans la vie et elle pourra alors être considérée comme gâchée, à manger de la poussière et à voir passer les asticots.

Ce que je peux vous souhaiter, c'est d'avoir dans votre entourage une personne qui est debout et qui, quand vous chuterez, s'assiéra auprès de vous en attendant que vous lui disiez que vous êtes près à vous relever mais que son aide sera la bienvenue. Une personne qui sait que tomber fait mal et qui compatit, mais qui sais aussi que cette douleur est votre et qu'elle disparaîtra quand vous l'aurez décidé. Une personne qui sait que son utilité viendra quand vous l'aurez choisi et qui ne s'impose pas pour dire des niaiseries ou des phrases d'une ridicule inutilité. Une personne qui ne vous en voudra pas si vous décidez de ne pas bénéficier de son aide et qui ne vous en voudra pas si vous ne lui renvoyez pas des phrases d'une totale absurdité quand elle sera à terre.

vendredi 6 janvier 2012

Les mots se suivent #2

Bonsoir lecteur,

Ce soir, un texte.

"La solitude s'acharne sur moi comme le vent sur le tronc dépouillé de ses feuilles en plein hiver.

Il essaie de lui raconter les histoires du monde, mais l'arbre n'a pas de traducteur et ne comprend rien, excepté le froid que le vent charrie.

Dans le lointain, les nuages voilent les étoiles qui ne peuvent pas venir illuminer le ciel nocturne.

Le soleil se cache derrière les monts vides de vie et la lune n'apparaît pas non plus.

L'arbre se retourne et ne vois rien si ce n'est l'herbe morte qui jonche le sol froid d'une plaine où il se trouve seul.

La sève peine à monté dans ses plus hautes branches et il se demande pourquoi il se retrouve ici.

Les années ont passé et il se souvient de la forêt qui l'entourait. Il se souvient du contact des racines des autres arbres à proximité. Il se souvient de l'odeur du pollen des fleurs environnantes. Il se souvient des petits pas des écureuils dans ses branches.

Il se souvient aussi du bruit des tronçonneuses que les humains ont utilisé pour couper et décimer les chênes, hêtres et sapins alentours. Il se souvient du craquement sec d'un arbre qui tombe, proche de lui. Il voit encore les souches déracinées par les machines assassines des hommes.

Et il pleure, il pleure des larmes de bois que personne ne verra. Il pleure seul car le vent l'a finalement laissé à sa solitude. De toute façon, il ne comprenait pas les histoires du monde puisque personne ne connaît la sienne.

Son cœur se gorge alors de poison et il flétrit, se tasse et fini par mourir, seul.

Au printemps prochain, nulle feuille ne viendra pousser sur ses branches."